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SERVITUDE DE COUR COMMUNE ET RÈGLES D’URBANISME, JEAN-OLIVIER D’ORIA, ASSOCIÉ CHEZ SMITH


Servitude de cour commune et règles d'urbanisme, Jean-Olivier d'Oria, associé chez Smith d'Oria, revient sur la réponse à la question ministérielle publiée dans le JO Sénat du 14/05/2020.

SERVITUDE DE COUR COMMUNE ET AUTORISATION D'URBANISME : LA NÉCESSAIRE COMPLÉMENTARITÉ.

Une servitude de cour commune a-t-elle pour vocation de permettre au fonds dominant qui en bénéficie de pouvoir s'affranchir des règles du plan local d'urbanisme (PLU) relatives à l'implantation des bâtiments par rapport aux limites séparatives, alors même que le PLU n'a pas expressément prévu cette possibilité ? Telle était la question à laquelle il était demandé à Madame la Ministre de la Cohésion des Territoires et des relations avec les collectivités territoriales de répondre.

Dans sa réponse du 14 mai 2020, la Ministre répond assurément par la négative.

La servitude de cour commune permet de prendre en compte, pour apprécier le respect des distances imposées notamment par le règlement du plan local d'urbanisme (PLU), non seulement le terrain du propriétaire qui souhaite construire, tel que délimité par la limite séparative, mais également une partie de la surface du fonds voisin sur lequel la servitude est établie. La constitution d'une servitude de cour commune ne permet donc pas de s'affranchir des règles de distance édictées par le règlement du plan local d'urbanisme, mais de modifier l'assiette d'appréciation de leur respect, en la déplaçant partiellement vers la partie du fonds voisin grevée par cette servitude.

Rappelons ici que la servitude de cour commune est édictée aux articles L. 471-1 et suivants et R. 471-1 et suivants du code de l'urbanisme. Elle résulte, tantôt de l'accord des parties, lorsqu'elle est négociée de gré à gré entre deux propriétaires de fonds distincts, tantôt d'un débat judiciaire, qui relève de la compétence exclusive du Président du Tribunal Judiciaire du lieu de situation des fonds concernés. En dehors du champ conventionnel, le juge n'intervient que lorsque la servitude est nécessaire à l'octroi d'un permis de construire, afin de s'assurer des distances qui doivent séparer les constructions, en application des règles d'urbanisme localement applicables.

En cela, la convention de cour commune peut comprendre tantôt une servitude non aedificandi (interdiction de construire sur une assiette déterminée d'un ou plusieurs fonds), tantôt une servitude non altius tollendi (interdictino d'élever une construction, au-delà d'une certaine côte altimétrique, sur une assiette de fonds déterminée).

Aucune servitude de cour commune ne peut être instituée au profit du domaine public (voir Tribunal des conflits, 28 avril 1980, n° 02160, arrêt "SCI Résidence des Perriers"). En pratique, la servitude concernera donc deux propriétaires de fonds privés, ou ne pourra grever qu'un fond privé, pour bénéficier au domaine public. Il n'appartient d'ailleurs pas à la juridiction administrative de se prononcer sur l'existence, l'étendue et les limites du domaine public, et en cas de contestation sérieuse à ce sujet, les tribunaux de l'ordre judiciaire doivent surseoir à statuer jusqu'à ce que soit tranchée par la juridiction administrative la question préjudicielle de l'appartenance d'un bien au domaine public propriétaire d'un fonds privé, au profit d'une personne publique.

La constitution d'une servitude de cour commune se justifie aussi bien liée pour l'octroi d'un permis de construire initial que d'un permis de construire modificatif (Cass, 3ème civ, 4 janvier 1995, n° 93-15169). L'utilité de la convention de cour commune est bien d'instituer des servitudes qui permettent à une projet constructif de s'inscrire dans les limites du code de l'urbanisme et du PLU localement applicable.

L'institution des servitudes de cour commune garantit donc le respect des règles d'urbanisme édictées dans l'intérêt général, tout en satisfaisant l'intérêt privé du propriétaire qui souhaite construire.

La cause d'une servitude de cour commune s'apprécie au moment où elle a été consentie. En cas de servitude perpétuelle, la servitude ne disparaît pas - une fois consentie - en raison d'une modification ultérieure des règles d'urbanisme. Bien au contraire, toute infraction à la convention de cour commune pourra être sanctionnée par la démolition de l'ouvrage illégalement édifié (voir Cass, 3ème civ, 23 janvier 2013, n° 11-27086). Il serait intéressant d'apprécier si La Cour de Cassation accepterait dorénavant d'introduire une nuance à sa solution de 2013, via le contrôle de proportionnalité, ce que l'arrêt précédemment cité semble refuser, à la lecture des moyens du pourvoi et de la réponse qui leur est apportée par la juridiction suprême.

La convention de cour commune et les servitudes qui y sont attachées nécessite bien souvent pédagogie et explications, mais aussi l'application des méthodes de la négociation raisonnée, pour que les propriétaires des fonds concernés parviennent à un accord équilibré et acceptable pour tous, le cas échéant avec des engagements réciproques et des compensations financières.

Cette négociation sera plus ou moins aisée selon l'identité des propriétaires privés concernés : investisseurs privés, particuliers, foncières, syndicats de copropriétaires. Dans ce dernier cas, la convention devra au final être validée par l'assemblée générale des copropriétaires à la majorité qualifiée de l'article 25 d) de la Loi du 10 juillet 1965, le cas échéant à la majorité simple de l'article 24, par le biais de la passerelle de l'article 25-1 de la Loi. Aucune publication ne pourra intervenir avant l'expiration du délai de recours de deux mois, contre l'assemblée générale ayant validé la convention.

En pratique, la constitution d'une servitude de cour commune nécessite l'intervention d'un géomètre et d'un ou plusieurs Avocat(s), en collaboration étroite avec les parties impliquées. Un Notaire se chargera de la publication, après régularisation et signature.

In fine, à travers les servitudes qu'elles comportent, les conventions de cour communes permettent à de nombreux fonds de coexister pacifiquement, dans le respect des dispositions du PLU et du code de l'urbanisme, dans la satisfaction d'un intérêt collectif et d'un intérêt privé, mutualisés.

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